Alors que l’intelligence artificielle s’impose comme un enjeu stratégique mondial, la question de la souveraineté européenne devient plus pressante que jamais. Loin d’être un simple débat théorique, ce défi touche désormais directement les entreprises et les institutions publiques.
Un récent rapport d’Accenture confirme d’ailleurs que cette quête de souveraineté s’inscrit déjà au cœur des décisions d’investissement de nombreuses organisations européennes.
IA et souveraineté : pourquoi cela compte ?
L’IA, levier majeur de transformation, oblige l’Europe à reconsidérer la question de sa souveraineté technologique. Pour Bernard Benhamou, Secrétaire général de l’Institut de la Souveraineté Numérique (ISN), cela signifie « d’être en mesure de développer notre propre écosystème sans dépendre de puissances conçues sur des bases, parfois politiques ou industrielles, radicalement différentes voire opposées aux nôtres. »
Derrière cette appellation d’une IA souveraine, plusieurs dimensions se dessinent :
- La souveraineté économique, pour créer et retenir sur le territoire la valeur générée par l’IA.
- La souveraineté des données, avec l’impératif d’héberger l’information sensible sur des infrastructures conformes aux normes européennes et adaptées à la culture, à l’histoire et aux nuances sociologiques d’un pays.
- La souveraineté algorithmique, qui passe par le développement de modèles fondamentaux, maîtrisés localement, sans dépendre exclusivement de boîtes noires technologiques conçues et contrôlées par des entités externes.
- La souveraineté matérielle, afin de contrôler la production des serveurs de calcul et de stockage qui n’est pas soumise à des lois extraterritoriales ou à des décisions commerciales unilatérales pouvant interrompre un service.
Ce que révèle le rapport Accenture 2025
Accenture, entreprise de conseil comptant près de 779 000 employés dans 120 pays, propose une enquête mondiale menée entre juillet et août 2025 sur la progression de l’IA souveraine.
Parmi les 1 928 organisations interrogées, en Europe 62 % d’entre elles déclarent rechercher des « solutions d’IA souveraine » en réponse aux incertitudes géopolitiques.
En France, ce chiffre est de 55 %. Dans les deux années à venir, 60 % des organisations européennes, 44 % en France, prévoient d’augmenter leurs investissements dans l’IA souveraine.
Ainsi, la souveraineté en IA n’est pas seulement un sujet de politique publique ou de défense : c’est aussi un enjeu d’adaptation concrète pour les entreprises, les administrations et les secteurs stratégiques.
Pour répondre à cette demande croissante de souveraineté européenne en IA, des entreprises telles qu’Accenture structurent ce mouvement en proposant des solutions concrètes afin de renforcer la souveraineté numérique du continent. Grâce à sa plateforme et ses partenariats avec des fournisseurs d’infrastructures européens, Accenture contribue à bâtir des architectures cloud hybrides et souveraines, adaptées aux secteurs les plus sensibles, allant de l’énergie, aux services publics, en passant par la finance.
Cette dynamique s’inscrit dans un écosystème plus large où d’autres acteurs européens montent en puissance : Mistral AI en France ou Aleph Alpha en Allemagne développent des modèles fondamentaux souverains, tandis que des initiatives comme GAIA-X, EuroHPC, le Chips Act renforcent progressivement l’autonomie technologique européenne.
Une IA souveraine, synonyme d’éthique et de durabilité ?
Une intelligence artificielle dite « souveraine » ne se résume pas à un drapeau planté sur des serveurs ; Jean-Marie Cavada, Président de l’Institut des Droits Fondamentaux du Numérique (iDFrights) assure : « Une IA souveraine doit être envisagée comme éthique et durable, c’est même une condition de base. L’IA est un instrument, il est donc fondamental que son influence sur la vie individuelle et collective, les organisations ou encore les gouvernements respecte nos libertés. »
Sur le terrain de l’éthique, la souveraineté facilite la mise en œuvre de garde-fous concrets : le AI Act, notamment, impose un cadre règlementaire à l’échelle européenne et peut exiger de la transparence sur les sources de données, des mécanismes d’audit, de la non-discrimination etc. Côté durabilité, l’enjeu est double : mesurer et réduire.
Une IA souveraine peut privilégier des centres de données alimentés par une électricité moins carbonée, optimiser l’entraînement et l’inférence avec des modèles plus frugaux et publier des indicateurs d’impact.
Finalement, une IA souveraine qui conjugue maîtrise démocratique, exigence de transparence et sobriété environnementale inspire confiance, reste soutenable sur le long terme et surtout, a du sens.
Eloïse LUTZ, Chargée de médiation et projets IA à la Maison de l’Intelligence Artificielle